Qui a inventé l’alphabet arabe ?

Dans la vie d’une langue, l’écriture est une étape tardive.

D’ailleurs, une langue ne rencontre pas toujours l’écriture, c’est même plutôt l’inverse : sur près de 7000 langues vivantes parlées dans le monde, seul 200 d’entre elles sont écrites.

Parmi celles-ci, la langue arabe.

Par contre, il ne faut pas confondre la langue arabe et l’alphabet arabe, car l’écriture arabe n’est pas née avec la langue arabe.

La langue arabe est même beaucoup plus ancienne que son alphabet, d’autant plus si l’on se base sur celui que nous utilisons de nos jours.

L’alphabet arabe a donc été inventé afin de mettre à l’écrit la langue arabe, mais avant de nous parvenir tel que nous le connaissons aujourd’hui, il a énormément évolué.

Quelle est l’histoire de l’alphabet arabe ? C’est ce que nous vous invitons à découvrir dans cet article.

Les origines de l’écriture arabe

La langue arabe est une langue sémitique, comme le nabatéen et le syriaque, et son alphabet fait partie des écritures sémitiques consonantiques.

Elle est issue de la langue sémitique mère, ou proto-sémitique, comme toutes les langues sémitiques.

Les plus anciennes inscriptions en langue arabe connues datent du 1er siècle.

Cependant, elles ne sont pas retranscrites avec l’alphabet arabe, mais avec d’autres systèmes d’écritures :

  • l’alphabet sudarabique ;
  • l’alphabet syriaque ;
  • l’alphabet nabatéen.

Les spécialistes s’accordent pour prêter à l’alphabet arabe une lointaine origine araméenne, et l’avis majoritaire affirme qu’il s’est développé à partir de l’écriture nabatéenne (lui-même d’origine araméenne).

Les nabatéens étaient un peuple arabe et vivaient depuis le 4ème siècle avant notre ère dans le royaume d’Edom en Arabie du Nord, correspondant à l’actuelle à la Jordanie et dont la capitale était Pétra.

Ils parlaient et écrivaient en araméen, mais au fil du temps une écriture cursive s’est développée, se distinguant de l’araméen par la présence de ligatures entre les lettres.

Leur culture a dominé cette région jusqu’en l’an 106 de notre ère, date qui marque l’annexion du royaume nabatéen par les Romains et la création de la province Romaine d’Arabie.

Dès lors, l’écriture nabatéenne a évolué progressivement vers la notation de la langue arabe et a délaissé la transcription de l’araméen.

Leur langue a également évolué et a intégré peu à peu des termes et des constructions grammaticales arabes.

C’est ainsi qu’à partir du 2ème siècle, les nabatéens parlaient majoritairement arabe.

Parmi tous les systèmes d’écritures utilisés pour écrire la langue arabe, les alphabets sudarabiques étaient le mieux adaptés à la langue arabe avec un nombre variant de 27 à 29 consonnes.

Puis, très certainement à cause du déclin de ces civilisations, ainsi que d’autres raisons liées au commerce, l’alphabet nabatéen fut adopté, bien qu’il ne possédaient pas assez de lettres pour pouvoir retranscrire les 28 phonèmes de la langue arabe.

De ce fait, certaines lettres se sont vues attribuer un signe identique et l’utilisation de points a été introduite afin de pouvoir les différencier.

C’est dans cette pratique que l’on retrouve l’influence du syriaque.

Quant aux premières inscriptions en alphabet arabe connues, elles sont d’époque préislamique et datent du 5ème siècle.

L’évolution de l’alphabet arabe

L’alphabet et l’écriture arabe ont beaucoup évolué à travers le temps

De nos jours, les lettres de l’alphabet arabe sont parfaitement reconnaissables et, même si certaines se ressemblent, elles ont chacune des signes distinctifs.

Cependant, cela n’a pas toujours été le cas.

A l’origine, les lettres de l’alphabet arabe ne possédaient pas de point et les voyelles n’étaient pas retranscrites.

Les arabes n’en avaient pas besoin, car ils comprenaient les mots et les phrases en fonction du contexte.

Ce n’est qu’avec l’expansion de l’islam et les nombreuses conversions de peuples non arabophones, que ces diacritiques furent établies, et ce, afin d’éviter les erreurs dans la lecture du Coran.

L’ajout de ces diacritiques s’est faite en 3 étapes :

  1. la transcription des voyelles sous forme de point ;
  2. l’ajout de point aux lettres similaires ;
  3. le changement de méthode de transcription des voyelles.

1/ noutq al i3raab (نُطْقُ الإِعْرَاب)

La révélation du Coran au Prophète Mohamed (ﷺ) s’est faite de manière orale par l’intermédiaire de l’ange Jibril – Gabriel – (que la paix soit sur lui),.

Quant à la transmission manuscrite du Coran, elle ne comportait ni point, ni voyelle, et il en fût ainsi jusqu’au califat de Ali ibn Abi Tâlib (qu’Allah soit satisfait de lui).

C’est à cette époque, au cours du 1er siècle de l’hégire, que sous l’impulsion du pionnier de la grammaire arabe, Abu Aswad ad-Du-ali, les versets du Coran furent pour la première fois retranscrits avec des voyelles.

Il entreprit cette démarche après avoir entendu un homme réciter un verset de la sourate Tawbah, dans lequel il fit une erreur qui changea complètement le sens du verset.

Allah ta3aala dit dans ce verset { أَنَّ اللهَ بَرِيْءٌ مِنَ المُشْرِكِيْنَ وَرَسُولُهُ }, “ Allah et son messager se désavouent des associateurs “.

Mais au lieu de réciter “ rasouulouhou “ (رَسُولُهُ) avec une dâmma, il prononça “ rasouulihi “ (رَسُولِهِ) avec une kasra, ce qui donna au sens du verset qu’Allah se désavoue des associateurs et de Son messager !

Abu Aswad ad-Du-ali décida alors, de retranscrire les voyelles pour éviter ce genre d’erreurs.

Cependant, les voyelles imaginées par Abu Aswad ad-Du-ali n’étaient pas celles que nous connaissons aujourd’hui et ne concernaient que la terminaison des mots.

Il demanda à ce qu’on lui amène un écrivain et lui dit : “ Si tu me vois ouvrir ma bouche avec la lettre, écrit un point au dessus d’elle ; et si tu me vois regroupé ma bouche, écrit un point devant la lettre ; et si tu me vois la tirer vers le bas, écrit un point en dessous de la lettre ; et si je fais suivre cela d’un nasillement, met deux points à la place d’un seul “.

Cette transcription, appelée “ Les caractères d’Abi Aswad “, se présente donc ainsi :

  • la fatha est représentée avec un point au-dessus de la lettre ;
  • la dâmma avec un point devant la lettre ;
  • la kasra avec un point en dessous de la lettre ;
  • le tanwin avec deux points placés en fonction de la voyelle doublée.

2/ noutq al i3jaam (نُطْقُ الإِعْجَام)

Pour le moment, seules les voyelles finales sont retranscrites et les lettres similaires n’ont pas encore de signes distinctifs.

De nos jours, si l’on observe les lettres “ baa “ (ب), “ taa “ (ت) et “ thaa “ (ث) par exemple, on remarque qu’elles se ressemblent énormément, mais ce qui nous permet de les distinguer les unes des autres, ce sont les points qui leur ont été attribués.

C’est un élève d’Abu Aswad ad-Dou-ali, Nasr Ibn Assim, qui facilita la différenciation de ces lettres, en attribuant des points à certaines lettres de l’alphabet.

Désormais, l’alphabet et l’écriture disposeront de deux évolutions majeures :

  • noutq al i3raab (نُطْقُ الإْعْرَاب) : inventé par Abu Aswad ad-Dou-ali ;
  • noutq al i3jaam (نُطْقُ الإْعْجَام) : inventé par Nasr Ibn Assim.

Ces deux types de diacritiques se ressemblant énormément, elles pouvaient prêter à confusion.

Il fût donc décidé d’écrire en rouge les points représentant les voyelles terminales afin de les différencier.

3/ L’établissement de nouvelles diacritiques

Le 2ème siècle de l’hégire vit la naissance d’un autre grand savant de la langue arabe Al Khalil Ibn Ahmad Al Farahidi.

Ce dernier remarqua qu’il demeurait une confusion entre ces deux diacritiques.

Il modifia alors les points représentant la dâmma, la kasra, la fatha, le soukoun et le tanwin, par les signes que nous connaissons aujourd’hui et complèta son système d’écriture par l’ajout de la hamza et de la shadda.

L’ordre alphabétique

L’ordre des lettres de l’alphabet arabe n’a pas toujours été celui que nous connaissons.

En effet, l’ordre alphabétique a d’abord suivi celui de l’alphabet araméen.

Cette disposition est appelée “ a-ttartiib al abjadi “ (التَّرْتِيبُ الأَبْجَدِيّ) ou “ abjad houwaz “ (أَبْجَد هُوَز) en référence aux lettres qui débutent cet ordonnancement (أبجد هوز حطي كلمن سعفص قرشت ثخذ ضظغ) :

  • alif (ا)
  • baa (ب)
  • jiim (ج)
  • daal (د)
  • haa (ه)
  • waaw (و)
  • zay(ز)
  • haa (ح)
  • tâa (ط)
  • yaa (ي)
  • kaaf (ك)
  • laam (ل)
  • miim (م)
  • nouun (ن)
  • siin (س)
  • 3ain (ع)
  • faa (ف)
  • sâad (ص)
  • qaaf (ق)
  • raa (ر)
  • shiin (ش)
  • taa (ت)
  • thaa (ث)
  • khaa (خ)
  • dhaal (ذ)
  • dâad (ض)
  • dhâa (ظ)
  • ghayn (غ).

Cet ordre a ensuite été modifié sous le règne d’Abd al Malik Ibn Marwan au deuxième siècle de l’hégire, par Nasr Ibn Assim et le savant Yahya Ibn Ya3mour.

Afin de faciliter l’apprentissage de l’alphabet, ils ont regroupé entre elles les lettres qui se ressemblaient.

Cette disposition, appelée “ a-ttartiib alfabaa-ii “ (التَّرْتِيبُ الأَلْفَبَائِي) en référence aux trois premières lettres, est celle qui est apprise et enseignée de nos jours.

En rédigeant “ mou3jam al 3ain “ (مُعْجَمُ العَيْن), le tout premier dictionnaire arabe et un des premiers de l’histoire, Al Khalil Ibn Ahmad Al Farahidi a également mis au point une troisième manière de classer les lettres de l’alphabet.

Il les ordonna en fonction de leur sonorité et de leur point d’articulation, en partant de la plus éloignée de la gorge, pour remonter jusqu’à celles qui s’articulent à partir des lèvres.

Il a donc commencé par lettre 3ain (ع) qui est considéré comme la lettre la plus éloigné de la gorge, et c’est la raison pour laquelle il appela son livre “ mou3jamou al 3ain “.

Les caractéristiques de l’alphabet arabe

L’alphabet arabe se compose de 28 lettres, classées en fonction de leur ressemblance.

Pour certains il y en aurait 29 lettres.

Si l’on considère que la hamza et le alif sont une seule et même lettre, il se compose de 28 lettres, mais si l’on estime que ce sont deux lettres différentes, les lettres de l’alphabet arabe sont au nombre de 29.

Les lettres de l’alphabet arabe sont appelées “ hourouuf “ (الحُرُوف) et elles ont la particularité d’être toutes des consonnes :

  • alif (أ)
  • baa (ب)
  • taa (ت)
  • thaa (ث)
  • jiim (ج)
  • haa (ح)
  • khaa (خ)
  • daal (د)
  • dhaal (ذ)
  • raa (ر)
  • zay (ز)
  • siin(س)
  • shiin(ش)
  • sâad (ص)
  • dâad (ض)
  • tâa (ط)
  • dhâa(ظ)
  • 3ain (ع)
  • ghayn (غ)
  • faa (ف)
  • qaaf (ق)
  • kaaf (ك)
  • laam (ل)
  • miim (م)
  • nouun (ن)
  • haa (ه)
  • waw (و)
  • yaa (ي)

C’est ce que l’on appelle un abjad, c’est à dire un alphabet consonantique où seules les consonnes sont retranscrites.

Pour pouvoir les prononcer, il faut leur ajouter des voyelles que l’on appelle “ harakaat “ (حَرَكَات) et qui sont indépendantes de l’alphabet.

Il existe a 4 types de voyelles :

  • les voyelles courtes : dâmma (ـُ), fatha (ـَ), kasra (ـِ) ;
  • la voyelle muette : le soukouun (ـْ) ;
  • les voyelles longues, ce sont celles qui, lorsqu’elles ont un soukoun, servent à prolonger les voyelles courtes : alif (ـَا), waaw (ـُو), yaa (ـِي) ;
  • les voyelles doublées : tanwin dâmma (ـٌ), tanwin fatha (ـً), tanwin kasra (ـٍ).

Contrairement à l’alphabet latin, l’alphabet arabe se lit et s’écrit de droite à gauche comme toutes les langues sémitiques et la notion de lettre minuscule et majuscule est inexistante.

Toutes les lettres peuvent être reliées entre elles, sauf 6 qui ne s’attachent pas avec celle qui les suit : le alif (ا), le daal (د), le dhaal (ذ), le raa (ر), le zay (ز) et le waw (و).

Chacune des lettres de l’alphabet s’écrit de manière différente selon qu’elle est :

  • isolée ;
  • au début d’un mot ;
  • au milieu d’un mot ;
  • ou à la fin d’un mot.

La révélation du Coran a été un tournant dans l’histoire de l’écriture et de l’alphabet arabe ; elle a été la cause de sa propagation dans le monde arabe et musulman.

L’alphabet arabe a énormément évolué au cours de l’histoire.

La volonté de préserver la révélation coranique de toute erreur de lecture a grandement contribué à la fixation d’une écriture universelle.

Très vite, la calligraphie arabe est devenue un art à part entière, alliant la beauté du sens à celle du geste.

Les premiers savants musulmans ont fourni de gros efforts pour faciliter l’apprentissage de l’arabe aux non-arabophones, ainsi qu’aux futures générations, dans le but qu’ils puissent réciter le Livre d’Allah comme Il l’a révélé et le méditer.

Avec l’avènement d’internet, l’apprentissage de la langue arabe et leur héritage est à portée de clic.

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