Mémoriser plus facilement avec la répétition espacée

Un locuteur natif ne cesse de découvrir de nouveaux mots tout au long de sa vie, alors que dire de celui qui apprend une langue étrangère.

De la même manière que Rome ne s’est faite en un jour, acquérir du vocabulaire est une tâche longue et pénible.

Généralement, on voit défiler des listes interminables et les garder en mémoire sur le long terme est souvent compliqué.

C’est la raison pour laquelle beaucoup d’apprenants peuvent se décourager et mettre le vocabulaire de côté.

C’est un fléau que l’on retrouve fréquemment chez les étudiants en langue arabe, qui préfèrent le goût et la saveur de la grammaire arabe.

Ils sont capables de faire une des analyses grammaticales, quant beaucoup de natif ne savent pas le faire.

Cependant, délaisser le vocabulaire au profit de cette science, n’est pas la bonne solution.

Car ce qui fait vivre ces règles… ce sont les mots !

Sans vocabulaire, on se retrouve vite très limité en termes de compréhension et de mise en pratique des règles grammaticales.

C’est donc une partie indispensable de votre étude à ne surtout pas négliger, bien qu’elle puisse être ardue et parfois ennuyante.

C’est pourquoi la méthode de la répétition espacée a été inventée.

Elle ne date pas d’hier, mais depuis quelques années, elle connaît une seconde jeunesse grâce aux avancées technologiques.

Dans cet article, nous vous exposons les forces et les faiblesses de cette méthode particulièrement adaptée à ceux qui souhaitent être autonome dans leur apprentissage.

Nous vous expliquons comment en tirer profit un maximum, ainsi que les pièges à éviter lorsque l’on a recours à la répétition espacée.

D’où vient la répétition espacée ?

Les premières recherches sur la répétition espacée datent du 19ème siècle.

Elles sont l’œuvre d’un psychologue et philosophe allemand considéré comme le père de la psychologie comportementale de l’apprentissage : Hermann Ebbinghaus.

Né le 24 janvier 1850 et décédé le 26 février 1909, il publia en 1885 « La courbe de l’oubli ».

La courbe de l’oubli est le fruit d’une étude qu’il réalisa sur sa propre personne en auto-observation.

Pour les besoins de son étude, il mémorisa une liste de syllabes complètement dénuées de sens (ZOF,IFD…), en les répétant à voix haute et en accordant le même temps d’apprentissage à chacunes d’entre elles.

Puis, il répéta cela plusieurs fois.

Suite à cela, il essaya de se souvenir de cette liste, en observant rigoureusement plusieurs paramètres dont :

  • le nombre de bonnes et mauvaises réponses ;
  • le temps nécessaire pour répondre.

En reportant ces données sous forme de graphiques, il s’aperçut que sa capacité à se remémorer la liste augmentait avec le nombre de répétitions.

Il en déduit qu’un rappel fréquent de l’information contribue à fixer l’information dans la mémoire et donc facilite l’apprentissage.

Il mémorisa plusieurs listes du même type et testa sa mémoire en espaçant les répétitions sur des périodes allant de 20 minutes à 31 jours.

Cela lui permit d’établir une relation entre l’oubli et le temps.

La courbe de l’oubli, ou courbe d’Ebbinghaus, montre le taux de rétention (conservation dans la mémoire) en fonction de la répétition de l’information dans le temps.

Si l’information n’est pas renouvelée dans notre cerveau après avoir été mémorisée, notre mémoire va progressivement l’oublier, et ce dès le premier jour, jusqu’à la perdre totalement.

Par contre, si l’on effectue un rappel de cette information et que l’on ne la laisse pas mourir dans notre mémoire en la faisant revivre à des intervalles bien définis, l’oubli de l’information sera ralenti dans le temps.

Les premières répétitions se doivent d’être rapprochées (10mn, une demi-journée, 1 jour, une semaine), pour ensuite s’espacer de plus en plus, jusqu’à finalement atteindre un intervalle entre deux répétitions, d’une ou plusieurs années.

La période optimale pour répéter une information est un point critique ; il correspond au moment où l’on est sur le point de l’oublier.

Dans les années 70, un journaliste scientifique allemand du nom de Sebastian Leitner (1919-1989), a repris ce principe de répétition espacée et a mis au point une méthode à base de carte mémoire.

Cette méthode qui porte son nom – méthode Leitner ou système Leitner – est très simple à mettre en pratique.

Il s’agit de cartes mémoires, également appelées flash card, réparties dans trois ou cinq boîtes.

Ces boîtes sont classées par ordre de temps décroissant, suivant le principe de la répétition espacée.

A chaque bonne réponse, la carte mémoire va changer de boîte et bénéficiera d’un intervalle plus long avant la prochaine répétition.

Dans le cas d’une réponse incorrecte, la carte retourne dans la première boîte pour être apprise de nouveau.

Très populaire outre Rhin, vous pouvez confectionner votre boîte-maison et il existe même des boîtes prêtes à l’emploie pour faciliter votre apprentissage ici.

Dans les années 60, un linguiste américain, Paul Pimsleur (1927-1976), a également mis au point une méthode d’apprentissage basée sur la répétition espacée.

Relativement anonyme en France, la méthode Pimsleur jouit d’une toute autre réputation de l’autre côté de l’Atlantique.

Paul Pimsleur est celui qui a déterminé les intervalles optimaux de répétition connus sous l’appellation « Intervalles de Pimsleur » :

  • 5 secondes
  • 25 secondes
  • 2 minutes
  • 10 minutes
  • 1 heure
  • 5 heures
  • 1 jour
  • 5 jours
  • 25 jours
  • 4 mois
  • 2 ans.

Pimsleur s’est intéressé aux capacités naturelles et intuitives dont font preuve les enfants dans l’apprentissage du langage, bien qu’ils n’aient aucune notion grammaticale.

A la différence des cartes mémoires de Leitner, cette méthode d’apprentissage privilégie la compréhension orale.

L’apprenant acquiert du vocabulaire de base en contexte par la répétition jour après jour.

L’objectif est d’être capable d’utiliser naturellement le vocabulaire dans une conversation et de parvenir à anticiper les règles grammaticales de la langue étudiée.

Comment fonctionne la répétition espacée ?

La répétition espacée en théorie c’est bien, mais dans la pratique, comment cela fonctionne ?

Le principe consiste à s’auto-interroger sur une notion que vous souhaitez apprendre.

Partons du principe que vous souhaitez mémoriser du vocabulaire que l’on rencontre régulièrement dans le Coran.

Par exemple, le mot “ al iimaan “ (الإِيمَان) qui signifie “ la foi “.

Au recto de votre carte mémoire, vous aurez écrit au préalable une question en rapport avec ce mot, telle que : “ Comment dit-on “ la foi “ ?

Au verso de votre flash card se trouve la réponse à cette question.

Vous devez répondre à la question, puis retourner votre carte.

A partir de là, il y a deux cas de figure :

  1. vous avez correctement répondu à la question ;
  2. vous n’avez pas donné la bonne réponse.

Dans le cas où votre réponse serait correcte, vous devez estimer le temps que vous avez mis à répondre.

En d’autres termes, est-ce que vous avez répondu facilement, plutôt facilement, ou difficilement ?

En fonction de cela, vous serez amené à réviser cette information dans un intervalle plus ou moins long et selon une fréquence différente.

Si vous n’avez pas répondu correctement, vous devrez réapprendre ce mot et donc le répéter de manière beaucoup plus rapprochée dans le temps.

Ensuite, faites cela pour tous les mots de vocabulaire que vous souhaitez mémoriser ou tout autre notion.

Ces indicateurs basés sur la courbe de l’oubli évolueront au fil de votre apprentissage.

Vous avez donc cinq boîtes, rangées par ordre décroissant dans le temps, dans lesquelles sont disposées vos cartes mémoires.

Dans la première boîte, sont positionnées les nouvelles cartes à apprendre ou que vous avez oubliées.

Dans la dernière, se trouvent les cartes que vous connaissez parfaitement.

Les cartes de la boîte numéro une seront révisées de manière très rapprochée et chaque boîte qui se succède implique un intervalle plus long entre chaque répétition.

La problématique ici est de pouvoir déterminer ces intervalles de façon optimale, ce qui, dans le temps et avec l’accumulation des notions, n’est pas une mince affaire.

Mais ne vous inquiétez pas, il existe désormais des applications qui se chargent de ces calculs à votre place, notamment la plus célèbre d’entre elles : l’application Anki.

Anki reprend les principes de la répétition espacée, mais à la place de réviser avec des cartes physiques, vous utilisez des cartes mémoires virtuelles.

Lorsque vous répondez aux questions de vos flash card, 4 choix s’offrent pour valider leur révision :

  • à revoir
  • difficile
  • correcte
  • facile.

En fonction de votre choix, l’algorithme de l’application calculera l’intervalle optimal avant la prochaine répétition.

Anki, comme bon nombre d’autres programmes et applications, ont pu voir le jour grâce à l’altruisme d’un scientifique polonais du nom de Piotr Wozniak.

Dans les années 80, ce dernier a développé un algorithme donnant la possibilité de faire réviser une information au moment opportun.

Piotr Wozniak commercialisa son programme qu’il baptisa “ SuperMemo “ et, étant un scientifique, il décida de publier ses algorithmes.

C’est cet altruisme qui permit la naissance d’Anki, mais également de Memrise ou encore MosaLingua.

Memrise propose des contenus gratuits et payants et existe aussi bien en version web qu’en application.

Utilisé principalement pour apprendre une langue, Memrise est un outil qui s’appuie sur des cours créés par les internautes de sa communauté.

Quant à MosaLingua, il s’agit d’une société française qui a développée sa propre méthode d’apprentissage, appelée MOSALearning, qui propose des contenus gratuits et payants.

Les limites de la répétition espacée

Ne soyez pas trompé par certains discours qui promettent un apprentissage sans effort.

En effet, il serait erroné de croire que la répétition espacée est une recette miracle qui permettrait d’apprendre une langue en se passant des méthodes traditionnelles.

Si elle sera d’une aide précieuse pour mémoriser plus facilement, comprenez qu’elle ne remplacera jamais l’apprentissage, mais plutôt qu’elle permettra d’automatiser et de déterminer le moment optimal pour réviser.

Sous leur aspect ludique et novateur, les applications basées sur la répétition espacée comportent un danger, car utilisées à mauvais escient, elles génèrent un apprentissage raté.

Le piège se referme lorsque l’apprenant ne parvient pas à mettre en pratique ce qu’il a appris, malgré l’illusion d’une mémorisation excellente via l’application.

Cela s’explique par le fait qu’il s’est habitué à retrouver ces mots uniquement sur l’application, mais sorti de ce cadre pédagogique, il aura parfois du mal à les restituer à l’oral dans une conversation.

Ce qui peut engendrer désillusion et découragement.

Or, le but est de parvenir à transférer vos acquis vers une compétence linguistique orale.

En se concentrant uniquement sur son application de répétition espacée, l’apprenant va s’enfermer dans une bulle et se couper du monde, alors que l’on apprend une langue pour échanger, lire, écouter et comprendre.

Finalement, c’est une méthode très intéressante et efficace, à condition :

  • d’être couplée avec d’autres formes d’apprentissage en fonction de votre profil,
  • qu’elle ne se substitue pas aux méthodes traditionnelles d’apprentissage.

Les meilleurs alliés de cette méthode

Exposé une problématique c’est bien, apporter des solutions, c’est encore mieux !

La répétition espacée est une méthode que nous recommandons, que nous utilisons personnellement et que nous proposons dans le cadre de notre programme pour devenir arabophone, mais elle ne doit pas être utilisée seule.

Pour compléter votre processus de mémorisation par répétition espacée, vous pouvez par exemple apprendre des mots de vocabulaire en contexte.

Cela vous permettra de les ancrer davantage dans votre mémoire tout en comprenant réellement leur sens. car comprendre un mot, c’est le mémoriser.

Pour ce faire, apprenez des phrases utiles de la vie de tous les jours et intégrez-y les mots de vocabulaire que vous désirez apprendre.

C’est une méthode concrète qui vous permettra d’activer ces mots lorsque vous vous exprimerez.

Pour mémoriser encore plus vite, mettez en pratique ce que vous apprenez en échangeant oralement avec d’autres apprenants.

C’est d’ailleurs une alternative que nous proposons à nos étudiants dans notre programme pour devenir arabophone.

Enfin, les procédés mnémotechniques sont un allié de taille pour la répétition espacée.

Les moyens mnémotechniques ont pour but de mieux fixer certains souvenirs dans la mémoire ou de s’en rappeler plus facilement.

Il en existe énormément, le tout étant de faire marcher votre imagination. Citons par exemple :

  • les images : associez une véritable image ou dessinez le mot que vous voulez apprendre.
    Je veux apprendre le verbe “ akala “ qui signifie “ manger “, je dessine donc à côté du mot une personne en train de manger.
  • les acronymes : un acronyme est mot, ou une phrase, formé à partir de la première lettre d’autres mots (otan, sida, ovni…).
    En arabe, il existe une phrase pour se rappeler des noms prophètes qui se terminent par un tanwin (double voyelle terminale) : sôun shamlahou (صُنْ شَمْلَهُ) pour “ Sâalih, Nouh, Shou3aib, Mohamed, Lot, Houd “ (صَالِحٌ, نُوحٌ, شُعَيْبٌ, مُحَمَّدٌ, لُوطٌ, هُودٌ) et que l’on peut traduire par “ Préserve cette assemblée “.
  • les comptines : très efficaces pour apprendre l’alphabet arabe, surtout pour les enfants.

Enfin, si vous êtes motivé pour commencer dès maintenant à apprendre vos premiers mots de vocabulaire arabe, nous vous proposons des listes sous forme de thématique, disponibles gratuitement.

Pour cela, rendez-vous sur notre site internet, vous pourrez immédiatement débuter votre apprentissage et grâce à cet article, vous serez en capacité d’utiliser la répétition espacée à bon escient.

Quel que soit ton niveau, comprends enfin l'arabe littéraire comme il se doit